
23. Urbanisme
Quelles sont les conséquences d’une demande de pièces complémentaires pour l’instruction d’un permis de construire incomplet ?
L’occasion de revenir sur la décision du Conseil d’État du 30 avril dernier qui complète sa jurisprudence Saint-Herblain (CE, 9 décembre 2022, req. n°454521).
A titre préliminaire, on rappelera que l’instruction d’une demande de permis de construire est encadrée par les articles R. 423-17 à R. 423-47 du Code de l’urbanisme.
Lorsque le dossier déposé est incomplet, le service instructeur sollicite le pétitionnaire, dans un délai d’un mois à compter du dépôt de sa demande, à compléter son dossier. Le pétitionnaire a alors trois mois pour retourner à l’administration les pièces manquantes sollicitées de façon exhaustive, conformément aux articles R. 423-38 à R. 423-41-1 du Code de l’urbanisme.
Le service instructeur ne peut solliciter d’autres pièces que celles expressément prévues par le Code. En effet, le Conseil d’Etat, dans sa jurisprudence Saint-Herblain (9 décembre 2022), a précisé que les demandes de pièces complémentaires illégales (c’est-à-dire non prévues par le Code) n’emporte aucune incidence sur la naissance d’une autorisation tacite à l’expiration du délai normal d’instruction.
Dans son arrêt du 30 avril 2024, le Conseil d’Etat apporte de nouvelles précisions s’agissant des demandes de pièces complémentaires, notamment dans l’hypothèse où les pièces manquantes ne sont pas produites dans le délai de trois mois suivant la demande – légitime cette fois – du service instructeur.
La portée de la décision du Conseil d’Etat :
lorsque le pétitionnaire n’a pas satisfait à la demande de pièces complémentaires dans le délai de trois mois qui lui était imparti, le Conseil d’Etat retient qu’une décision tacite de rejet naît à l’expiration de ce délai.
La demande est également réputée avoir été rejetée implicitement lorsque le pétitionnaire n’a pas régularisé son dossier à l’expiration du délai de trois mois alors que l’administration, qui avait émis une première demande de pièces complémentaires et reçu des éléments. Et que le service instructeur a, dans un nouveau délai de trois mois, de nouveau invité le pétitionnaire à compléter sa demande d’ « une des pièces déjà sollicitées » lors de la première demande.
Pour le juge administratif, cette nouvelle demande constitue en réalité une simple relance de la précédente n’a aucune incidence sur les délais et la naissance d’une décision tacite de rejet si le pétitionnaire n’a pas régularisé son dossier dans le délai initial de trois mois.
En l’occurrence, les conséquences d’une demande de pièces complémentaires pour l’instruction d’un permis de construire – notamment dans l’hypothèse de demandes successives pour la même pièce – se trouvent désormais clarifiées.
En conclusion, à l’image du Conseil d’Etat qui a passé en revue les différents cas de figure susceptibles d’advenir, rappelons que :
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Si le demandeur produit, dans le délai de 3 mois à compter de la réception du courrier l'invitant à compléter sa demande, l'ensemble des pièces manquantes, le délai d'instruction commence à courir à la date à laquelle l'administration les reçoit et si aucune décision n'est notifiée à l'issue du délai d'instruction, un permis est tacitement accordé.
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Si le pétitionnaire ne fait pas parvenir au service instructeur l'ensemble des pièces manquantes prévues par le Code de l'urbanisme, une décision tacite de rejet naît à l'expiration de ce délai de 3 mois.
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Si le service instructeur estime, au vu des pièces reçues dans le délai de 3 mois, que le dossier reste incomplet, elle peut inviter à nouveau le pétitionnaire à le compléter (deuxième courrier de demande de pièces manquantes). Il s’agit là d’une simple faculté. Dans tous les cas, cette demande est sans incidence sur le cours du délai et la naissance d'une décision tacite de rejet au bout des 3 mois, si les pièces sollicitées n’ont pas été reçues.
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Enfin, si l’administration a formulé une demande de pièces complémentaires illégale, visant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas listée dans le Livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par cette demande illégale. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction.