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7. Urbanisme et aménagement du territoire

Le droit de préemption urbain et l'erreur de plume

Lorsque l’on aborde le sujet du droit de préemption urbain, on s’attend à aborder la problématique de la lutte contre la spéculation foncière. Ceci est tout naturel au regard du contexte actuel lié à la crise du logement. Il s’agit d’un enjeu majeur pour les collectivités, voire un véritable numéro d’équilibriste, entre la maîtrise des coûts du foncier et la production d’habitat à des prix abordables.

 

Mais dans l’affaire qui nous intéresse ce n’est pas tant le « pourquoi » ni le « comment », mais le « à quel prix » qui nous occupe ?

 

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article R. 213-8 du Code de l’urbanisme « Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : (...) c) Soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l'indemnité de réemploi (...). "

 

Jusqu’ici proposer un prix n’est pas ce qu’il y a de plus complexe.

 

Mais que se passe t-il lorsque le prix exprimé en « lettre » est différent du prix exprimé en « chiffre » ? Si, la personne publique justifiera très certainement cette différence par une malencontreuse coquille, voire un mauvais copier/coller… il n’en demeure pas moins que cette erreur n’est pas anodine pour le propriétaire.

 

C’est la question que la Cour administrative d’appel de Paris a récemment eu à connaître. (CAA de Paris, 29 février 2024, EPT Plaine Commune, n°22PA03860)

 

Dans cette affaire la décision de préemption contestée divergeait entre le prix exprimé en lettres d’une valeur de « cent-quatre-vingt-dix-mille » euros et le prix exprimé en chiffres d’une valeur de 290.000 euros.

 

Si la personne publique titulaire du droit de préemption se prévalait des dispositions de l'article 1376 du Code civil pour affirmer que le prix écrit « en toutes lettres » prévaut sur le prix en chiffre, la CAA de Paris rappelle que ces dispositions ne sont « pas applicables aux décisions de préemption, lesquelles n’ont pas le même objet ».

 

En outre, le juge considère qu’il ne s’agit pas d’une « erreur de pure forme » mais d’une « incohérence en affectant un élément essentiel », et que dès lors cette décision doit être regardée comme une décision ne comportant aucun prix, prise en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 213-8 du Code de l'urbanisme.

 

Pour le juge administratif cette décision est entachée d'illégalité.

 

En synthèse, au regard des conséquences que peut avoir une simple erreur de plume, réapprenons à prendre le temps de relire nos actes !

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