
15. Remise en état des lieux et infractions aux règles d'urbanisme
Remise en état des lieux ordonnées par le juge pénal à la suite d'une infraction d'urbanisme ; quand la Cour de cassation se prononce utilement, dans deux arrêts des 6 et 27 février 2024. (Ccass, 6 février 2024, n° 23-81748 et Ccass., 27 février 2024, n° 23-82639).
Une fois n’est pas coutume, intéressons nous au droit pénal de l’urbanisme en nous demandant si l’usage d’un bâtiment en contrariété avec les dispositions du PLU justifie, à lui seul, le prononcé d’une mesure de remise en état ou s’il est nécessaire que le juge soit saisi des faits de violation d’un permis de construire pour imposer une telle mesure ?
1/ En l’occurrence, dans l’affaire du 6 février 2024, des ostréiculteurs avaient obtenu un permis pour l’extension d’un bâtiment ostréicole destiné à stocker et à conditionner des crustacés. Puis, progressivement, ils avaient transformé leur bâtiment en une poissonnerie avec une grande terrasse extérieure de 180 m2, au rez-de-chaussée et une salle de restaurant de 160 m2 avec une terrasse de 20 m2 dans le prolongement, à l’étage.
Des procès-verbaux d’infraction ont été dressés, à l'initiative de la commune, considérant que le plan local d’urbanisme interdisait l’exercice d’une activité de restauration dans la zone où se situait le bâtiment.
En effet, dans ce secteur, seules les constructions ou installations nécessaires au service public ou à des activités économiques qui exigeaient la proximité immédiate de l’eau étaient autorisés. Le changement de destination des bâtiments existant n’était autorisé que s’il est nécessaire à l’intérêt général lié à la mer et aux activités de la mer. Ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque l’activité de restauration ne constituait pas un accessoire de l’activité aquacole, mais une activité prédominante d’un point de vue économique.
C’est dans ce contexte que, pour la Cour de cassation, « en application des dispositions des articles L. 610‑1 et L. 480‑5 du Code de l’urbanisme, les infractions aux dispositions des plans locaux d’urbanisme peuvent donner lieu à mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la seule circonstance que l’infraction porte sur l’utilisation de bâtiments de manière non conforme à celle autorisée par le PLU ne faisant pas obstacle à ce qu’une telle mesure à caractère réel soit prononcée ».
Il se déduit de cette jurisprudence que le fait d’affecter à une utilisation contraire aux dispositions du plan local d’urbanisme des constructions régulièrement édifiées en vue d’une autre affectation constitue une violation de ce plan et le délit prévu à l’article L. 610-1 du Code de l'urbanisme.
2/ Puis, par un arrêt du 27 février 2024 (Ccass., 27 février 2024, n° 23-82639), la Cour de Cassation offre une illustration de l’obligation de remise en état, sous astreinte, à la suite de travaux irréguliers.
En l’occurrence, une maison avait été construite non seulement en méconnaissance du plan local d’urbanisme qui n’autorisait pas la construction d’une maison d’habitation sur le terrain en question, mais également en zone inondable en méconnaissance du plan de prévention des risques d'inondation, soulignant ainsi la gravité des faits.
Le prévenu ayant poursuivi les travaux malgré une décision en ordonnant l’interruption, la Cour d’appel a condamné le prévenu à la remise en état des lieux assorti d'une astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de six mois.
S’agissant de la motivation de l’astreinte, la Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser « une astreinte, prononcée au titre de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, étant une mesure comminatoire, qui a pour objet de contraindre son débiteur à exécuter une décision juridictionnelle et non de le sanctionner à titre personnel, n’a pas, en l’absence de tout texte le prévoyant, à être motivée au regard des ressources et des charges du prévenu ».
En d’autres termes, il résulte de ces deux illustrations de la Cour de cassation que l’obligation de remise en état pourra résulter :
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de la sanction de travaux irréguliers (article L. 480-5 du Code de l’urbanisme) ;
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de l’infraction du non-respect des règles prescrites par les documents d’urbanisme, et ce même en l’absence de travaux (article L. 610-1 du Code de l’urbanisme).
Soyez donc vigilant à l’usage que vous faites de vos bâtiments lors de leur transformation !